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PORTRAIT - Raphaël Calvez, une santé de fer

  • Colin GAZEAU
  • 7 janv. 2020
  • 5 min de lecture

Raphaël Calvez dans l’atelier de ferronnerie - Colin GAZEAU


Ferronnier professionnel depuis trois ans à Nantes, Raphaël Calvez parle de son métier qu’il exerce avec passion dans sa vie. Portrait d’un homme à la volonté de faire.


FERRONNIER PASSIONNÉ


Dans l’atelier, il connaît tous les outils par cœur. C’est au milieu de nombreuses machines toutes plus impressionnantes les unes que les autres que l’on retrouve Raphaël Calvez, ferronnier à 31 ans, capable de toutes les détailler de manière très précise. La fraise-scie pour couper le métal, le tas pour frapper le fer, le poste à souder MIG pour assembler la matière, rien ne lui échappe. Bref, c’est un grand gaillard à la barbe blonde et aux yeux bleus, toujours le sourire en coin qui, plusieurs fois par semaine pénètre dans le grand hangar - très frais en cette soirée d’hiver. A l’intérieur il frappe, soude, moule le fer, mais surtout laisse place à sa créativité. De la grande plaque de tôle blindé, aux balcons style XIXème, en passant par un grand portail avec des motifs de chevaux, tous les styles sont produits. Fabuleux mélange de skater-rocker viking, baba cool “gamer” aux allures hip-hop carrément fêtard, Raphaël, assis bien au fond du fauteuil de son patron, la tête recouverte d’un bonnet noir de la marque “ZOO YORK”, nous raconte, de sa voix grave, sa passion pour son métier où il mêle artisanat et graphisme.


Pour lui, la ferronnerie, c’est tout un art. Et pas que. C’est aussi une affaire de français et de science. “Deux R, deux N, toujours”, précise Raphaël lorsque l’on commence à parler de son métier. Une leçon de français reçue après un léger cours sur le réagencement des molécules lorsque le fer est frappé sur l’enclume. Parce que oui, la ferronnerie ça fait remuer les molécules, mais les méninges aussi. Il transforme la matière, la façonne selon sa pensée. En véritable professionnel de la ferronnerie, Raphaël se doit de respecter les commandes des clients. Il ne peut pas se permettre de forger un balcon du XXème siècle pour un bâtiment qui date du XVIIème par exemple. “On se doit de toujours proposer quelque chose de fidèle”. En tout cas, c’est ce qu’il a appris pendant toutes ses années d’études. Mais la fidélité parfois, ça le gave … Il aimerait bien pouvoir sortir des sentiers battus pour pouvoir proposer quelque chose d’original, de complètement différent.



MÉLANGE DES GENRES


Fan de jeux vidéos incontesté, le ferronnier qui “joue à la gameboy avec du fer”, apparente son métier à un véritable jeu : “C’est hyper ludique, tu retranscris l’image que tu as dans le cerveau pour le produire sur le métal”. Déjà très jeune, Raphaël allait à l’école des Beaux-Arts pour le cours du soir, où il s’est passionné pour le dessin. A la sortie du bac, il s’inscrit à l’École supérieure d’Arts Appliqués et de Design d’Angers. Il quitte trois ans d’études de graphisme, à deux mois de la fin, avant de s’inscrire sur un coup de tête, après un rêve prémonitoire, à un CAP Ferronnerie d’Arts. “Je me suis levé, je me suis installé devant le PC, j’ai postulé et le surlendemain, je savais que j’étais pris”. Il a 25 ans et recommence ses études depuis le début dans l’école Le Mont-Châtelet à Varzy dans le centre de la France. Il va passer trois ans à se former au métier du fer dans un tout petit village de 800 habitants. Là-bas, il va faire la rencontre de multiples styles : “des punks, des tout-gentils, des foufous, des footeux, des menuisiers, c’était un énorme brassage de personnalités !”. Il sort diplômé du Brevet des Métiers d’Art, premier de sa promotion. Un véritable avantage. Pour le jeune étudiant de l’époque le dessin et le graphisme sont essentiels car s’il est arrivé en ferronnerie c’est “pour ne pas perdre tout ce côté graphique et surtout rester original”. Une corde de plus à son arc. Et un atout qu’il a obtenu grâce à sa famille.


Fils d’une mère à la retraite et d’un père photographe publicitaire, il est le troisième enfant de la famille. Il voue un profond respect pour sa mère qui a évolué de jeune caissière non-diplômé au poste de directrice du service communication de l’agglomération au sein de la mairie d’Angers. Son père, lui, travaille particulièrement avec les architectes. Doux mélange parental artistique autour de la publicité et de la photographie, ce sont, pour le jeune ferronnier, des sources d’inspirations artistiques primaires pour le graphisme : “J’ai finalement été poussé un peu inconsciemment à être dans ce milieu-là”. Le côté artisan, il le tient de son grand-père qui a bossé dans le métal en tant que chef d’atelier pour une usine qui faisait de la mécanique de précision. Avant son décès, Raphaël adorait discuter avec lui d’acier et de métal, et il en parle encore nostalgiquement : “Il était fier de moi par rapport au fait que je fasse ce boulot-là”. Ce qui l’a énormément motivé.



BRAS DE FER


La ferronnerie c’est avant tout un métier du bâtiment. “Il faut être prêt mentalement à subir les éléments, le froid, les efforts physiques”. Les éléments, justement, ne lui font pas peur. En véritable pyromane assumé, le lieu préféré de Raphaël dans l’atelier, c’est la forge avec la cheminée. “Quand j’étais plus petit, je m’amusais à mettre le feu à mon cartable au collège”. Complètement dans le délire loupe comme outil de destruction massive des plantes et des fourmis, on comprend l’addiction du ferronnier pour cet outil où le charbon crépite et chauffe. Les couleurs, l’odeur, la chaleur, tout dans le feu le rend heureux. On peut le croire un peu fou mais en bon professionnel, il explique plus clairement. Le fer, une fois fondu est malléable (version “chewing-gum” comme il le présente) et il peut le manipuler à souhait, en faire ce qu’il veut.


Côté valeurs dans le métier, Raphaël a laissé tombé l’aspect de “tous ferronniers confrères” idéalisé. “C’est une hypocrisie totale, ils se tirent tous dans les pattes”. Pour lui la concurrence et la loi du marché sont supérieures aux valeurs de fraternité encensées par les professionnels du métier. Lui, il applique ses propres valeurs qu’il a surtout obtenu après les études, sur le terrain. Dans l’atelier, Raphaël reçoit, conseille le client sans attendre de retours. Dans les chantiers, avec les autres corps de métier (électricien, maçon, …), il garde le lieu le plus “clean” possible : “Le plus important c’est de travailler ensemble”. Mais il lui reste encore beaucoup à apprendre. “Je me considère encore "newbie" (comprendre débutant) dans le métier avec seulement trois ans d’expérience professionnelle. Un bon ferronnier, c’est dix ans dans une boîte et c’est seulement après que tu peux considérer à être autonome”.


Et si pour lui, ce qu’il produit pour le moment n’est pas de la ferronnerie de grand luxe, il compte bien y arriver. Pour le moment, il reste dans la boîte qui l’emploie pour gagner de l’expérience. “J’ai quasiment tout vu, je sens que c’est moins intense qu’avant”. Mais il compte bien partir un jour pour une entreprise plus importante et plus côté en ferronnerie. Certaines vendent des produits forgés de luxe pour des clients New-Yorkais ou Qataris. L’étape des dix ans de travail effectué, le grand blond songe sérieusement à ouvrir son propre atelier de ferronnerie. Et ce serait le moment, selon lui, de laisser libre court à son imagination et de mêler ses passions à son métier. Un des projets qu’il a le plus envie de faire, c’est de créer un garde-corps d’escalier avec des motifs de graffitis. Car oui, toujours le nez dans le dessin, Raphaël graffe aussi. Plus autant qu’avant par contre, admet-il. Il adore aussi voyager. Il revenait ce matin de Dublin, il a bourlingué en Australie et rêve de voir d’autres paysages. S’il avait les compétences, il construirait même un avion pour voler, pour voir le monde d’en haut. Et avec cet avion, il irait sûrement se poser sur l’île merveilleuse qu’il a dans un coin de sa tête, rejoindre tous ceux qu’il aime dans son “petit village paradisiaque”.

 
 
 

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©2020 par Colin GAZEAU

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